GRAPHOMANIA

Joël Person takes an interest in the images of pornos, extracting their graphic lines. Freely inspired by magazines, his drawings highlight two types of configuration. The first drawings are saturated with bodies and present accumulations of vivid strokes, an auto-erotic overload of gesture, superimposed projections which at times recall the etchings illustrating the sexual architectures of Sade. The most recent drawings leave the greater part of the page empty, and concentrate on details, suspended touchings, reframed instants that have become ambiguous. The full areas and the gaps of the drawing converge and sometimes approaches the informal. The drawing then leaves behind the cold lighting of the porno through an effect of incompletion in the representation, and finds a way out into eroticism. One has a similar impression before Michelangelo’s half-sculpted bodies where one sees an arm, the beginning of a leg or the lower part of a face attempting to escape from the marble. The tension between the desire of representation and its incompletion in matter itself leads to the movement of Eros.

To know pleasure is to seize newness in repetition. Joël Person likes to repeat situations and forms in his erotic drawings: a leg is doubled by its graphic shadow, a woman caresses herself in the foreground and, on the side, the same figure in perspective echoes the gesture. The draughtsman, like a musician, plays on the variations of light, the infinite possibilities of charcoal, by turns hard and supple, sometimes darker, more accentuated by layers of fixative, but also light, barely underlined, a sketched curve that opens. The music of charcoal fuses and sprays, infuses its velvet, diffuses its frolicking lines and spurts black on the surface.

Chimerical overlapping

The sexual postures are multiplied, assembled by drawn joints which enable movement. Everything is interlocked: articulation of flesh, hands on buttocks, isolated breasts, fellatios, penetrations. The condensations of these bodies become erotic chimera interweaving different bodies and different actions. The artist shapes a sort of sexual theatre wherein his pleasure of drawing and his intention of experiencing sexual pleasure exist as one. In the most recent drawings, emaciated animals overhang the sessions of copulation. Perhaps the artist is making reference to Bataille here, sex and death in the same field of vision; perhaps it is a drawn memory of Baudelaire’s poem, Une charogne (A carcass): “At a turn in the path a foul carcass/ On a pebble-strewn bed, / Its legs in the air, like a lustful woman”; or again, perhaps he is alluding to a famous Sicilian Renaissance fresco on display at the Museum of Palermo: The Triumph of Death, where one sees couples embracing in the foreground, dominated by a giant, skeletal horse, ridden by Death, on its way to cut down the lovers’ ephemeral joy.

Every person desires to see and touch other people’s bodies, is curious about other people’s nudity, other people’s genitals. For Joël Person, it is above all to discover new drawn shapes. Ingres: “Drawing is not outside the line, but inside the line…” Concentration of the within, fist-fucking at the heart of the blank page, a crossing of the unknown, passing to the other side of the medium. An solitary ear suddenly appears and listens to what the tongue is doing to the vagina, what the point of the pencil or the charcoal is doing to the page.

However one must observe that Joël Person’s intention is not only to represent horses or erotic bodies. These are subjects which drive his work, linked to stimulating events in his life, which lead him essentially to express his pleasure in drawing. The background of his creations can be interchangeable. Furthermore, he is considering tackling landscapes and portraits. His pleasure lies above all in an auto-erotic impulse of the line on the page, of the tool, the pisello, the little brush-penis, the pencil which brings out the white foam of paper tensed, black and energetic presences.

ponctuations érotiques

GRAPHOMANIE

Joël Person s’intéresse aux images pornos dont il arrache des traces graphiques. Ses dessins librement inspirés des magazines mettent en évidence deux types de configurations. Les premiers dessins sont saturés de corps et présentent des accumulations de traits vifs, une surcharge auto-érotique du geste, des saillies superposées qui rappellent par moments les gravures illustrant les architectures sexuelles de Sade. Les dessins plus récents laissent la part belle au vide de la page et se concentrent sur des détails, des attouchements suspendus, des instants recadrés devenus ambigus. Les pleins et les manques du dessin convergent et frôlent parfois l’informel. Le dessin quitte alors l’éclairage glacé du porno par un jeu d’inachevé dans la représentation, et trouve une issue érotique. On a une impression similaire devant les corps à moitié sculptés de Michel-Ange où l’on voit un bras, le début d’une jambe, le bas d’un visage tenter de s’enfuir du marbre. La tension entre le désir de représentation et son inachèvement dans la matière même mène au mouvement d’Éros.
Jouir, c’est saisir la nouveauté dans la répétition. Joël Person aime à répéter des situations, des formes dans ses dessins érotiques : une jambe se dédouble comme une ombre graphique de la première, une femme se caresse au premier plan et, sur le côté, la même figure en perspective rejoue en écho le même geste. Le dessinateur, tel un musicien, joue sur les variations de lumière, les possibilités infinies du fusain, tantôt dur, tantôt souple, parfois plus sombre, plus accentué par des couches de fixatif, mais aussi léger, à peine souligné, une courbe esquissée qui ouvre. La musique du fusain fuse en jet, infuse son velours, diffuse ses ébats de lignes et gicle noire sur la surface.

Chevauchements chimériques

Les postures sexuelles se multiplient, s’assemblent par des jointures dessinées qui permettent le mouvement. Tout s’imbrique : articulations des chairs, des mains sur des fesses, des seins isolés, des fellations, des pénétrations. Les condensations de ces corps deviennent des chimères érotiques entremêlant différents corps et différentes actions. L’artiste se façonne une sorte de théâtre sexuel où s’accordent son plaisir du dessin et son dessein de jouir. Dans les derniers dessins, des animaux décharnés surplombent les séances de baise. Peut-être l’artiste exprime-t-il ici un clin d’œil à Bataille, sexe et mort dans un même champ de vision ; peut-être est-ce un souvenir dessiné du poème de Baudelaire, Une charogne : « Au détour d’un sentier une charogne infâme / Sur un lit semé de cailloux, / Les jambes en l’air, comme une femme lubrique » ; ou peut-être encore fait-il allusion à une fresque célèbre de la Renaissance sicilienne exposée au musée de Palerme : Le Triomphe de la Mort, où l’on voit des couples s’embrassant au premier plan, dominés par un cheval géant, squelettique, monté par la Mort qui s’apprête à faucher la joie éphémère des amants.

Tout homme désire voir et toucher d’autres corps, curieux du nu des autres, du sexe des autres. Pour Joël Person, c’est avant tout découvrir de nouvelles tournures dessinées. Ingres : «?Le dessin n’est pas en dehors du trait, il est en dedans… » Concentration du dedans, fist-fucking au cœur de la page blanche, traverser l’inconnu, passer de l’autre côté du support. Une oreille surgit seule et écoute ce que la langue fait au sexe, ce que la pointe du crayon ou du fusain fait à la feuille.

Il faut observer cependant que le dessein de Joël Person n’est pas uniquement de représenter des chevaux ou des corps érotiques. Ce sont des sujets moteurs, liés à des événements excitants de sa vie, qui l’amènent essentiellement à exprimer sa jouissance du dessin. Le fond de ses créations peut être interchangeable. Il envisage d’ailleurs de se frotter au paysage, au portrait. Le plaisir réside avant tout dans une pulsion auto-érotique du trait sur la feuille, de l’outil, du pisello, du petit pinceau pénis, du crayon qui fait émerger de l’écume vierge du papier des présences tendues, noires et énergiques.

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Lionel Dax, 2008